Le groupe « modèles numériques de terrain » constitué au sein du projet Paris Time Machine a constitué des références exploitables géomatiquement concernant l’aspect tridimensionnel des cartes de Paris et du département de la Seine produites au XIXe siècle.
Le relief dispose en effet d’une histoire bien spécifique au sein de celle de la cartographie. Son invention théorique est datable de la fin du XVIIIe siècle avec la ligne de niveau en tant que procédé graphique de restitution (Ducarla, 1782) ensuite théorisée mathématiquement (Lacroix, 1804). La première expérimentation pratique d’ampleur date du tout début du XIXe siècle avec une carte de Paris disposant de lignes de niveaux (Girard, Verniquet, 1810). Les cartes en relief ont la particularité d’être un savoir-faire maîtrisé par les corps d’ingénieurs des Ponts et Chaussées et des Mines jusqu’à la fin du siècle où le corps des ingénieurs géographes militaires entame la production de la carte d’État-Major avec des lignes de niveaux. Concernant de manière générale l’aménagement du territoire (routes, chemins de fers, canaux, carrières, décharges, travaux de renouvellement et d’extension urbaine, etc.), elles permettent de fournir un cadre spatial et historique 3D qui renouvelle les thématiques abordées jusque-là avec la seule carte bidimensionnelle : archéologie, hydrologie, géologie, pollution, métabolisme, etc. Le travail du groupe se propose de fournir une porte d’entrée vers l’environnement urbain historique, potentiellement exploitable dans une perspective diachronique. Il est utilisé dans les reconstitutions 3D de rues anciennes de Paris (lien vers le modèle 3D à venir), notamment pour la rue Galande.
En pratique, le groupe a mis en place un processus de traitement de données basé sur les systèmes d’information géographique qui soit adapté à ce type de cartes comprenant, sur la base de versions numérisées, le géoréférencement, l’estimation des marges d’erreurs des données, leur saisie, la conversion des systèmes altimétriques, la valorisation sous une forme comparable aux standards actuels (modèle numérique de terrain – MNT –) (Fernandez, 2018), la diffusion.
Quatre références ont été sélectionnées (Girard et Verniquet, 1810), (Delesse, 1858, 1880), (Inspection générale des carrières, 1994). Un échange opéré avec l’Atelier parisien d’urbanisme permet de disposer de la référence actuelle la plus précise qui est un MNT de résolution 1 m sur l’emprise de Paris. Les données en entrée ont permis de constituer trois MNT comme références historiques. Le relief au début XIXe siècle sur l’emprise des Fermiers Généraux et le relief de la seconde moitié du XIXe siècle sur l’emprise du département de la Seine sont issus de l’interpolation des données historiques mesurées par les corps d’ingénieurs à ces époques. Le paléorelief sur l’emprise de Paris est modélisé par l’interpolation des données de l’IGC qui sont des mesures contemporaines mais échelonnées dans le temps de l’altimétrie du toit du substrat géologique mesurée au fil de divers sondages et travaux menés dans Paris. Le tableau ci-après permet de visualiser les principales opérations effectuées à partir de ces sources historiques pour obtenir des MNT.
(Girard, Verniquet, 1810) | (Delesse, 1858) | (Delesse, 1880) | (Inspection générale des carrières, 1994) | |
Raster | ||||
Vecteur | ||||
Modèle numérique de terrain |
Tableau : sources (rasters), traitements (vecteurs) et résultats (modèles numériques de terrain)
Il convient de signaler que les systèmes altimétriques constituent une page assez complexe de l’histoire des techniques au XIXe siècle et qu’une synthèse a été réalisée pour Paris. Elle permet de réaliser les conversions centimétriques entre les cinq systèmes ayant successivement été utilisés entre 1805 et 2019 et in fine de faire communiquer entre elles les différentes sources historiques contenant des valeurs altimétriques.
Le rapport des travaux de ce groupe de travail est disponible ici.
Membres de l’équipe
Mathieu Fernandez (Chercheur post-doctoral)
Hélène Noizet (Maître de conférence HDR, Université Paris1 Panthéon Sorbonne, LAMOP)
Références
DELESSE A., 1858, Carte hydrologique de la ville de Paris : 1858. Publiée d’après les ordres de Mr le baron G. E. Haussmann, préfet de la Seine et exécutée par Mr Delesse ; dessinée par Al. Babinski, F. Savy, Paris, 1 Pl.
DELESSE A., 1880, Carte géologique cotée du département de la Seine représentant le gypse, le calcaire grossier et la craie, d’après les ordres de M. Hérold, sénateur, préfet de la Seine, conformément à la décision du conseil général, L. Wuhrer, Paris, 1 Pl.
DUCARLA M., 1782, Expression des nivellemens ou méthode nouvelle pour marquer rigoureusement sur les cartes terrestres et marines les hauteurs et les configurations du terrein, Dupain-Triel, Paris, 111 p.
FERNANDEZ M., 2018, « La strate du sol d’une mégapole : observations localisées sur l’Anthropocène. Topographie et morphologie des couches préindustrielle et industrielle à Paris », Géocarrefour. En ligne (consulté le 09-09-2019) : https://journals.openedition.org/geocarrefour/12016
GIRARD P.-S., VERNIQUET E., 1810, Plan de nivellement général de la ville de Paris rapporté sur l’Atlas du plan général de la ville de Paris de Verniquet, [s. é.], Paris. Manuscrit : BHVP FOL AT 157
INSPECTION GÉNÉRALE DES CARRIÈRES (IGC), 1994, Atlas géologique de la Ville de Paris au 1/5000e, Mairie de Paris, Paris
LACROIX S.-F., 1804, Introduction à la géographie mathématique et critique, in PINKERTON J., Géographie moderne, Dentu, Paris, T.1, (CCXIV + 229) p.